Résumé de conférence : La mémoire et comment l'améliorer

Résumé de la conférence du 12 mars 2014 à l’ Antenne Parkinson de Mons

La maladie de Parkinson est une maladie dégénérative neurologique qui se caractérise par une perte des neurones de la substance noire ainsi que par une diminution de la production de dopamine.

Les symptômes les plus connus sont moteurs (akinésie, tremblement, rigidité extrapyramidale, instabilité de la posture), neurovégétatifs (hypotension artérielle orthostatique, troubles digestifs, hyper séborrhée), sensitifs (crampes, engourdissements, picotements, douleurs diffuses) ainsi que des troubles du sommeil et de la vigilance. En outre, il existe aussi des  troubles cognitifs et comportementaux qui eux sont parfois moins bien connus. Cet article a pour but d’exposer ces derniers troubles et de voir quelles sont les possibilités de prises charge pour ces troubles.

Néanmoins avant d’aborder ce thème proprement dit il faut d’abord expliquer ce que l’on entend par « troubles cognitifs » et expliquer brièvement le fonctionnement cognitif normal.

 

Alors qu’est-ce que le « fonctionnement cognitif » ou « la cognition » ? 

C’est l’ensemble des processus mentaux réalisés par le cerveau pour traiter les informations. La cognition comprend donc les processus de perception visuelle et auditive mais également des processus de plus haut niveau comme les capacités de mémoire, de langage, l’attention et le fonctionnement exécutif.

Nous allons ici principalement nous intéresser à la mémoire, l’attention et le fonctionnement exécutif car ces processus sont souvent perturbés dans le cas de la maladie de Parkinson.

 

La mémoire

La mémoire n’est pas un système unitaire mais se compose de différents sous-systèmes qui peuvent être altérés de manières différentes dans le cas de la maladie de Parkinson.

La mémoire se distingue premièrement entre un système de mémoire de travail (ou à court terme) qui permet de garder une information à l’esprit pendant quelques secondes afin de pouvoir la traiter. Par exemple, vous allez utiliser votre mémoire de travail pour répéter un numéro de téléphone ou les informations relatives à un rendez-vous juste le temps de trouver un papier et de noter ces informations. Ensuite ces informations seront oubliées.

En revanche, la mémoire à long terme (épisodique, sémantique ou déclarative) permet de mémoriser une information pour pouvoir la rappeler ultérieurement. Pour que ce rappel puisse avoir lieu il faut 3 étapes : l’information doit d’abord être encodée, puis consolidée et stockée et enfin elle doit être récupérée. Il convient que ces étapes soient correctement réalisées afin de permettre un rappel adéquat. Au niveau de l’encodage, il s’agit d’abord de sélectionner et de porter son attention sur l’information à mémoriser parmi le flux d’informations qui nous arrive continuellement. Ainsi si vous êtes en train de regarder votre émission préférée à la télévision et que votre conjoint vous dit quelque chose, il est probable que vous ne retiendrez pas cette chose car votre attention est portée sur votre programme favori et non sur cette chose exposée par votre conjoint. Donc, un premier conseil pour bien retenir quelque chose est de se concentrer exclusivement sur celle-ci pendant quelques secondes afin de bien l’encoder. Ensuite, afin de favoriser l’encodage, il est également utile de réaliser un encodage multimodal c’est-à-dire dans différents formats. Ainsi une information entendue est encodée de manière auditive et un moyen de l’encoder de manière plus efficace est d’écrire également cette information (ou de la lire) afin d’avoir également un encodage visuel.

Ensuite, pour faciliter la consolidation et le stockage en mémoire, il est utile de rattacher l’information à mémoriser à des informations déjà connues afin de créer des liens qui seront des indices de rappel qui faciliteront la récupération. Ainsi, si l’on vous dit que le nouveau petit-fils de votre voisine s’appelle Louis, il est utile de faire un lien, par exemple, avec votre oncle Louis ou avec les rois de France, ou encore au fait que ce prénom commence par la même le lettre que votre petit-fils qui s’appelle Lorenzo. Il est évident que chacun fait ses propres liens en fonction de ses connaissances et de son vécu !

La récupération de l’information en mémoire consiste enfin à aller rechercher une information encodée auparavant. Cette récupération peut être altérée dans le cas de la maladie de Parkinson. Toutefois, des indices donnés par l’entourage ou par l’environnement permettent généralement au patient parkinsonien de pallier à ce déficit. Pour en revenir à l’exemple de prénom du petit-fils de la voisine, un indiçage via la première lettre de prénom, ou par un rappel que c’est « comme les rois de France » permet de récupérer qu’il s’agit de « Louis ». Donc, plus vous créez d’indices et plus vous travaillez l’information à l’encodage plus vous faciliterez l’étape de récupération.

Ce genre d’informations appartient au système de mémoire à long terme appelé mémoire épisodique  (souvenir des informations concernant les événements que vous avez personnellement vécus) et sémantique (souvenir des connaissances acquises sur le monde ; exemple : Paris est la capitale de la France). Ces systèmes de mémoire peuvent donc être altérés dans le cas des maladies dégénératives mais cette altération porte dans ce cas uniquement sur la récupération (l’encodage et le stockage étant généralement possibles en cas de maladie de Parkinson).

En outre, il existe un autre système de mémoire à long terme qui s’appelle la mémoire procédurale. Ce système stocke des informations concernant des procédures qui ne sont pas ou peu verbalisables. Ainsi, vous savez nager ou conduire une voiture mais quand vous réalisez ces actions, vous les faites de manière automatique sans pouvoir verbaliser les différentes séquences d’actions nécessaires à ces activités. Cette mémoire procédurale est généralement longtemps épargnée dans la maladie de Parkinson. Par exemple, si vous avez du mal à vous rappeler où votre conjoint range un objet, il peut être utile d’apprendre gestuellement et sur le plan moteur à réaliser ce rangement vous-même à cet endroit. Même si consciemment vous ne pouvez pas vous en rappelez, votre mémoire procédurale pourra, quant à elle, rappeler la séquence d’actions nécessaires à la récupération de l’objet.

 

L’attention

L’attention est la capacité à se focaliser sur une information. Certains processus attentionnels sont assez automatiques comme par exemple l’alerte qui fait que vous allez tourner la tête vers une source sonore (ex: une sonnerie) si vous êtes dans un environnement calme et très peu bruyant. Ces processus sont généralement préservés en cas de maladie de Parkinson. En revanche, les processus d’attention sélective ou divisée peuvent être perturbés en cas de pathologie neurologique. Ces processus ne sont pas automatiques mais contrôlés par la personne. L’attention sélective permet de focaliser son attention sur une information particulière au sein d’un ensemble d’informations non pertinentes. L’attention divisée permet de concentrer son attention sur deux choses à la fois (ex. : cuisiner et en même temps écouter la radio). Un conseil évident en cas de problèmes d’attention divisée est de limiter ces situations de double tâche !

Enfin, les fonctions exécutives, souvent altérées en cas de la maladie de Parkinson.

Les fonctions exécutives consistent en un ensemble de processus mis en oeuvre pour effectuer une action complexe (non routinière), orientée vers un but et ceci de manière flexible (= en s’adaptant aux contraintes de l’environnement). Ces fonctions sont mises en oeuvre lorsque nous sommes confrontés à des situations nouvelles ou inhabituelles et pour lesquelles nous n’avons pas de schémas d’action prédéterminés. Ces fonctions permettent ainsi la planification d’une série d’actions, la résolution de problèmes, l’inhibition (la suppression) des réponses inappropriées, la mise à jour des informations, la flexibilité mentale (capacité de changer d’idées) et l’initiation d’un comportement.

Ces fonctions étant généralement touchées en cas de maladie de Parkinson, il peut être utile de « découper » les actions à réaliser en différents étapes et de les réaliser une par une.

 

Alors comment aider la mémoire et plus globalement, comment pallier aux difficultés cognitives rencontrées par les personnes atteintes d’une pathologie dégénérative ?

Il faut d’abord savoir que la mémoire n’est pas un muscle. Il est donc inutile de s’exercer à mémoriser des listes de chiffres ou de mots, votre mémoire ne grandira jamais ! Il est aussi illusoire d’espérer rétablir le fonctionnement mnésique de vos 20 ans : le corps vieillit, le cerveau aussi ! Et ça c’est normal !

En revanche, il est possible d’améliorer ces capacités mnésiques grâce à la mise en place de stratégies qui permettent un encodage, un stockage et une récupération plus efficaces.

En cas d’atteinte légère ou modérée, l’utilisation des capacités préservées (mémoire procédurale, processus d’encodage) est un moyen généralement efficace.

Dans ce cadre, nous avons déjà évoqués le bénéfice d’un encodage multimodal (visuel et auditif) et/ou de faire des liens avec des informations déjà bien connues. En outre, il est nécessaire de bien comprendre l’information à mémoriser. Enfin, il est souvent utile d’encoder, en même temps que l’information cible, le contexte spatio-temporel. Ce dernier pouvant également servir d’indice lors de la récupération.

En outre, les techniques d’imagerie mentale (utile pour apprendre les noms de nouvelles personnes rencontrées) peuvent être utiles. Il s’agit d’une technique qui associe le visage de la personne à son nom. Dans cette perspective, il faut trouver une image à associer au nom (ex: monsieur Seron devient «  ce rond »),  trouver une caractéristique physique du visage (ex: sa calvitie) et associer l’image créée et le visage (un rond dessiné sur le front de la personne).

Une autre technique, technique du mot-clé, consiste à associer une image à un mot à mémoriser. Ainsi si vous voulez apprendre que le mot « Hocker » en allemand signifie « bosse » ; il s’agit de trouver un mot existant phonologiquement proche (ex: Hockey) ; d’y associer la signification « bosse » et d’associer les deux en une image mentale (un joueur de hockey avec une bosse sur la tête). Ces dernières techniques sont néanmoins limitées aux différentes informations à mémoriser et sont très couteuses sur le plan des étapes à réaliser ; elles ne peuvent donc être mises en place qu’occasionnellement.

Par ailleurs, en cas d’atteinte plus sévère, les techniques d’estompage, de récupération espacée et d’apprentissage sans erreur peuvent s’avérer efficace. La technique d’estompage consiste en l’apprentissage d’une nouvelle information par la diminution des indices aidant à la récupération jusqu’à ce que l’information puisse être rappelée sans indice. Par exemple, vous voulez apprendre un nouveau mot de vocabulaire : « software » qui signifie « programme utilisé par un ordinateur ». On vous présente alors d’abord le mot complet, puis on élimine la dernière lettre et on vous demande de rappeler le mot complet, puis on enlève les 2 dernières lettres… et ainsi de suite jusqu’à être capable de rappeler ce mot sans aucune aide.

La technique de la récupération espacée consiste à apprendre une information en demandant de la rappeler à des intervalles de temps de plus en plus grands. Ainsi l’information vous est présentée et on vous demande de la rappeler immédiatement. Ensuite, on vous demande de la rappeler après un délai de 10 secondes, si vous y parvenez, on vous la redemande après un délai de 20 secondes, si vous n’y parvenez pas on vous la représente et on vous demande de la rappeler immédiatement, puis après 10 secondes, puis 20 secondes, 40 secondes, 80 secondes…  jusqu’à un délai de 8 minutes, délai auquel on considère que l’information est encodée en mémoire à long terme.

L’apprentissage sans erreur consiste à présenter une information correcte plusieurs fois et de la répéter plutôt que de laisser la personne en difficulté deviner ou de rechercher la bonne réponse par essai et erreur.

Enfin, l’aménagement de l’environnement et le recours à des aides externes sont un des moyens les plus efficaces pour pallier au problème de mémoire. La création d’un carnet mémoire (sorte d’agenda) est intéressante pour stocker toutes les informations utiles pour vous. Ces carnets contiennent généralement plusieurs sections qui sont déterminées en fonction des besoins et des désirs du patient. On peut ainsi y trouver une rubrique « agenda » où sont notées les activités prévues mais également les activités réalisées; une rubrique « courses », « numéros de téléphone », « listing des dates d’anniversaire », « listing des médicaments »…  La technique de la récupération espacée permet généralement d’acquérir et d’automatiser d’utilisation de ce genre de carnet.

L’aménagement de l’environnement peut également être utile. Ainsi si vous avez tendance à égarer régulièrement vos clés, lunettes, GSM, factures reçues…  vous pouvez décider d’endroits (tiroir, plat reposant sur la table de la salle à manger, corbeille dans le hall d’entrée…) où vous déposez systématiquement les objets problématiques. L’apprentissage du lieu cible pour poser ces objets peut également se faire via la technique de la récupération espacée et via la mémoire procédurale.

Pour ce qui est de la prise en charge des difficultés exécutives, la rééducation consiste en une série d’exercices dont le but est de décomposer les problèmes complexes en une série de sous-étapes plus simples. Ainsi, la méthode du « stop and think »  consiste à

1) Arrêter toute activité en cours ;

2) Analyser la situation ;

3) Définir un but ;

4) Définir les sous-étapes pour y parvenir ;

5) Rechercher les indices et informations permettant d’accomplir chaque sous-étape et

6) Contrôler la réalisation séquentielle de chaque étape.

Le but est donc de fournir un canevas d’actions pour pallier aux difficultés exécutives. En outre, si ce découpage des actions peut paraître laborieux,  le séquençage peut être réalisé par l’entourage, le patient n’ayant alors qu’à réaliser les sous-étapes. Un exemple typique est la préparation des repas qui nécessite de réaliser plusieurs actions : les aliments doivent être lavés, préparés, assaisonnés, mis à cuire avec des temps de cuisson souvent différents.  Les personnes atteintes de difficultés exécutives ont souvent tendance à cesser de cuisiner car elles se disent « perdues dans leurs casseroles ». Or il suffit simplement de décomposer les différentes sous-étapes et de les hiérarchiser. Ceci peut être réalisé par l’entourage qui réalise une sorte de fiche technique avec les différentes sous-étapes. Généralement, avec cette aide, les patients souffrant de difficultés exécutives peuvent alors aisément préparer le repas en suivant pas à pas cette fiche.

En conclusion, le cerveau vieillit, la mémoire aussi mais dans certaines maladies comme la maladie de Parkinson certaines fonctions cognitives sont plus atteintes que pour la moyenne des gens. On ne peut malheureusement pas aller à l’encontre de celles-ci, mais on peut pallier aux difficultés engendrées dans la vie quotidienne. On peut s’appuyer sur les capacités préservées et aménager l’environnement. Ceci se fait par l’utilisation de différentes techniques qui dépendent : premièrement  des difficultés propres à chaque patient et deuxièmement des demandes des patients (ex: mettre en place des fiches techniques pour une personne qui se plaint de ne plus savoir cuisiner est pertinent ; en revanche, si c’est son conjoint qui s’occupe des factures à payer, il n’est pas nécessaire de mettre en place un système de rappel pour la gestion des papiers). C’est pourquoi, les prises en charge doivent se fonder sur une évaluation neuropsychologique afin d’évaluer les difficultés mais aussi les capacités préservées. En outre, toute prise en charge doit se faire avec l’accord du patient et doit avoir comme but d’améliorer son autonomie dans la vie quotidienne.

Anne-Pascale Michel-Franchimont, Neuropsychologue

Clinique de la Mémoire du CHU Ambroise Paré