Compte rendu de la conférence de la Journée Mondiale 2010
par le Docteur Bechir Jarraya

Un nouveau traitement de la maladie de Parkinson a été mis au point par des équipes franco-britanniques associant des chercheurs et des neurochirurgiens de MIRCen (CEA/CNRS-URA 2210) de l’Université Paris 12 et de l’hôpital Henri Mondor (AP-HP), ainsi que des chercheurs d’Oxford BioMedica, société de biotechnologie britannique spécialisée dans le développement de thérapies géniques. Ces résultats sont publiés dans la revue Science Translational Medicine du 14 octobre 2010 accessible en ligne. Développés à MIRCen, centre de recherche CEA-Inserm dédié à la recherche translationnelle, des essais menés sur des modèles primates de la maladie de Parkinson ont permis d’accélérer le lancement d’un essai clinique de phase I/II conduit à l’hôpital Henri Mondor chez des patients atteints de cette pathologie.

Avec environ 100 000 patients en France, la maladie de Parkinson est l’affection neurologique dégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Elle constitue donc un véritable problème de santé publique.
Qu’est-ce que la maladie de Parkinson ? Cette maladie neurologique se traduit essentiellement par des symptômes moteurs de sévérité progressive et croissante, tels que des tremblements, une rigidité des membres et une diminution des déplacements. Cette pathologie est due à la dégénérescence des neurones produisant la dopamine, un neurotransmetteur intervenant dans le contrôle des mouvements du corps.
Comment est-elle traitée ? Actuellement, le traitement des personnes atteintes par cette affection consiste en l’administration orale de médicaments mimant l’action de la dopamine manquante dans le cerveau de ces malades ; c’est ce que l’on appelle un traitement dopaminergique. Si ce traitement permet d’obtenir une bonne amélioration de l’activité motrice dans les stades initiaux de la maladie, des effets indésirables sévères apparaissent au cours du temps : fluctuations de l’effet du traitement et mouvements anormaux involontaires, appelés dyskinésies.

Comment concevoir une restitution physiologique de la dopamine manquante ? Depuis quelques années les experts de la maladie de Parkinson, chercheurs et médecins, ont émis l’hypothèse selon laquelle la prise de médicaments intermittente dans la journée altère le fonctionnement du cerveau en stimulant de manière trop irrégulière les neurones ; ce qui serait à l’origine des complications du traitement dopaminergique. Les enjeux actuels du traitement de la maladie de Parkinson consistent donc à développer une technologie qui permettrait d’induire :
1. une stimulation dopaminergique continue ;
2. une stimulation dopaminergique locale afin d’induire des effets moteurs bénéfiques tout en évitant les complications neuropsychologiques consécutives de la stimulation d’autres régions du cerveau non atteintes par la maladie de Parkinson.
Malgré une recherche active dans le domaine des médicaments dopaminergiques, il reste très difficile de restituer un rythme physiologique de stimulation cérébrale. C’est pourquoi, aujourd’hui, les espoirs se tournent vers la thérapie génique qui consiste à faire exprimer directement un gène thérapeutique par les cellules du cerveau. À l’heure actuelle, les systèmes les plus efficaces pour faire exprimer des gènes d’intérêt in vivo passent par l’utilisation de vecteurs viraux ; des enveloppes virales débarrassées de leurs propriétés de multiplication et rendues non pathogènes.
Comment transférer avec les gènes la capacité de synthèse de la dopamine ? Dans la majorité des cas, la maladie de Parkinson n’est pas d’origine génétique. Cependant, les modifications biochimiques responsables des symptômes pourraient être corrigées par une stratégie de thérapie génique de type « remplacement ou restauration » de fonction pour augmenter la synthèse de dopamine (par l’expression des gènes impliqués dans la biosynthèse de la dopamine) et restaurer en partie la fonction des cellules dopaminergiques. C’est cette approche qui a été adoptée dans l’étude publiée aujourd’hui. Les chercheurs ont d’abord étudié l’innocuité et l’efficacité d’un vecteur viral (développé à partir de l’equine infectious anemia virus, EIAV) codant pour les trois gènes essentiels à la biosynthèse de la dopamine (AADC, TH, et CH1). Ils ont établi la preuve du principe du transfert de ces gènes dans le striatum, partie du cerveau en manque de dopamine, et observé la synthèse de dopamine in vivo de façon locale et continue. Ils ont ensuite démontré, sur le long terme (44 mois de suivi) l’efficacité thérapeutique de ce vecteur viral sur le même modèle primate de maladie de Parkinson et ceci sans les complications habituellement associées à la prise orale du traitement dopaminergique (fluctuations motrices et dyskinésies).
Comment transférer cette technologie de l’animal vers le patient ? Fortes de ce succès, les équipes de cliniciens chercheurs de l’hôpital Henri-Mondor impliquées dans ce programme, en collaboration avec MIRCen et le SHFJ(CEA) ont d’ores et déjà, avec l’accord de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), du comité d’éthique (CPP Ile-de-France IX) et, avec la promotion d’Oxford BioMedica, lancé un essai clinique de phase I/II. Celui-ci a pour objectif de montrer l’innocuité et l’efficacité de cette approche chez des patients atteints de la forme évoluée de la maladie de Parkinson. Les premiers patients traités à ce jour montrent des résultats encourageants d’amélioration de la motricité et de la qualité de vie jusqu’à un an après l’injection du gène médicament. De plus, le traitement s’avère bien toléré, sans effets indésirables sévères.
Ces développements thérapeutiques complexes représentent une illustration exemplaire de partenariat public-privé et démontrent les synergies possibles entre recherches scientifiques biomédicales académiques et industrielles. Cette approche appelée recherche translationnelle médicale, qui est au cœur de la stratégie de MIRCen et du Pôle Neurolocomoteur de l’hôpital Henri Mondor, permet un transfert de technologie rapide et maîtrisé du modèle animal vers le patient.
Dr Bechir Jarraya