Quand un service hospitalier et un parkinsonien dialoguent ...Parkinsonien, mon ami, il faut insister et forcer à se faire écouter; se faire entendre n’est pas suffisant. Pourtant je me trouve entre les mains d’une équipe aimable et qui rayonne la bonne humeur et le sérieux professionnel. Que je sache, et sauf avis contraire de la Faculté, ces deux qualités ne sont pas antagonistes.

Je suis entré dans le service chirurgical pour un traitement dentaire. Dès l’inscription administrative la routine et les contrôles sont précis et répétés à chaque transmission de relai et de niveau technique. C’est ainsi que mon état de parkinsonien est bien connu et vérifié dans le protocole de visite préliminaire chez l’anesthésiste par tous les intervenants.
– Êtes-vous à jeun et avez-vous pris votre médication habituelle (6 heures) ?

– Oui. Mais j’aurai besoin d’un verre d’eau, je dois bientôt prendre la dose de 8h45. Deux soignants m’extraient de la chambre, tractent mon lit et m’amènent au bloc opératoire.
Dans quelques instants je vais y entrer.
– Un quart d’heure se passe et un équipier me demande si ça va.
– Oui mais je devrais prendre mes médicaments de 8h45.
– Vous entrez maintenant dans la salle d’opération …
Tout se passe bien, j’en ressors.
L’éveil sera pénible pour tout le monde. Je suis subitement agité par une crise de dyskinésie violente qui durera un quart heure.
Le personnel, mobilisé, attentionné, est très surpris : je n’avais jamais vu une telle réaction dit un jeune équipier  !
Je suis conscient. J’entends les questions de l’équipe médicale. Je peux expliquer, et je suis écouté, que mes médicaments se trouvent dans la chambre, dans mon sac infirmerie. Je demande que l’on me donne un demi comprimé de L-dopa que je laisse fondre sur mon palais endolori. Et j’absorbe la dose normale suivante la plus proche.
Le calme (parkinsonien !) revient.

Le lendemain, j’ai le plaisir d’un appel téléphonique d’une équipière qui prend de mes nouvelles. Les lignes qui suivent reprennent les grands thèmes de notre conversation. Je la remercie de son écoute.

Il faut constater une fois de plus la connaissance généralement peu approfondie de la maladie de Parkinson.
Mais avant de poursuivre il faut absolument préciser que les réflexions qui vont suivre ont été échangées dans la plus aimable courtoisie. Il a tout de suite été évident que l’occasion se présentait de transformer le quart d’heure d’inconfort du patient et la perplexité des soignants en expérience utile.
Dans cette optique, l’incident ne restera pas une anecdote de salle d’op. mais deviendra une expérience, un complément de connaissance.

Un parkinsonien est un patient dont le corps n’a plus jamais été en repos depuis que la maladie s’est déclarée. Il a donc au fil du temps inventorié les symptômes qui le traversent dans des combinaisons multiples et désagréables.
La première connaissance, au sens le plus profond du terme, qu’acquiert le parkinsonien c’est l’impératif de la régularité des prises de doses de son traitement.
La seconde observation éveille l’attention interrogative des soignants : le parkinsonien se déplace avec une pharmacie dont il connaît l’utilisation, qu’il entretien avec sérieux. Toute carence de disponibilité de médicament déclenche des désagréments douloureux.
Le parkinsonien est suivi par un neurologue qui l’informe des modulations de posologie possibles suivant l’intensité ou « l’inconfort » du patient.
Ces deux éléments facilement observables identifient souvent un parkinsonien.

C’est le moment de ne pas se tromper de problème.
Pour le parkinsonien, il doit faire l’apprentissage de dire clairement à l’infirmière qu’il a un Parkinson et que sa trousse, véritable pharmacie ambulante, il doit la garder avec lui pour les raisons spécifiques énoncées plus haut. Il n’est pas question d’ingérence dans les prérogatives de l’infirmière. C‘est une donnée pragmatique.

Une autre facette éclaire d’une lumière positive les avantages d’une bonne information et de bonnes relations avec les soignant(e)s :
– La prise impérative des médicaments à heures précises (qui varient au cours de l’évolution de la maladie), se trouve en compétition avec les appels d’autres patients.
– Nous connaissons les charges du personnel soignant et les routines qu’il doit appliquer. C’est ainsi que les soins qui débutent par le couloir EST arrivent trop tôt pour le parkinsonien et trop tard s’ ils commencent par le couloir OUEST.
– Il faut donc oser expliquer à nos soignants les particularités de la maladie de Parkinson, en acceptant réciproquement de constater le manque d’information et d’en profiter pour se dire l’un à l’autre ce qui améliorera la vie de chacun.

C’est la seconde fois que j’ai vécu ce problème de ne pas avoir pris mes médicaments d’une part et de l’absence de communication qui aurait pu être néfaste d’autre part, la première fois pendant la journée qui a suivi une intervention lourde et cette fois-ci pour n’avoir pas insisté, en quittant la chambre, pour obtenir un verre d’eau et absorber mes potions,
PARCE QUE, POUR UN PARKINSONIEN, C’ ETAIT L’HEURE.

Cela dit, l’appel téléphonique m’a fait plaisir et j’ai pu constater que le souci de l’humain est bien vivant quand ceux qui en sont convaincus pratiquent leur conviction.

Yvan Wastiau
Membre de l’Association Parkinson ASBL
Coordinateur de l’antenne de HUY.